AGENCEMENT DES LIEUX
L'éclairage

L’un des premiers obstacles récurrents et flagrants, d’une adaptation du musée au public sourd/malentendant, et qui est parfois difficile à contourner, c’est l’éclairage. Les lieux mal éclairés et le contre-jour rendent la lecture labiale et la vision des langues signées pénibles.

Alors, qu’est-ce qu’un éclairage suffisant ? Est-ce compatible avec les mesures de conservation nécessaires aux œuvres ?

On sait que 50 lux est le niveau d’éclairage maximal pour les objets les plus fragiles. Cela correspond à une rue bien éclairée la nuit.

Pour les sourds/malentendants, c’est suffisant, en soi, pour permettre la lisibilité des lèvres et la compréhension des langues signées,  mais ça peut devenir très rapidement inconfortable.

L’idéal, pour les lieux d’accueil et de guichets, c’est de pouvoir augmenter l’éclairage jusqu’à 150 ou 300 lux. Il faudrait pouvoir en faire autant dans les salles où les matériaux sont les plus fragiles, grâce à l’installation d’un dispositif qui permet de l’augmenter temporairement en cas de visite guidée avec lecture labiale et/ou langue signée. Cela peut être une lampe portative ou un projecteur plus puissant dirigé à un endroit de la pièce. On peut tout à fait l’envisager surtout lorsqu’on sait que, du point de vue conservation des œuvres, on peut réduire la durée d’éclairage s’il est plus puissant.

Le dégagement des espaces

Pour les visites guidées en langue des signes, pensez que tout obstacle qui gêne la vision est à éviter. S’il n’est pas possible de les éviter, car le bâtiment est déjà construit de cette façon, il faudra penser à s’arrêter aux bons endroits pour donner des explications.

Les groupes de personnes sourdes/malentendantes ont besoin de pouvoir former un cercle, pour bien se voir les uns les autres et pour permettre à chacun de voir le guide ou l’interprète qui s’exprime en langue signée. Cela veut dire que parfois, cela prend beaucoup de place dans l’espace du musée. Si les espaces sont trop petits ou ne permettent pas au groupe de s’installer en cercle devant les œuvres, les autres visiteurs sont obligés de couper le cercle pour passer, ce qui nuit à la bonne compréhension et au partage des échanges. Pour y remédier, face à une architecture contraignante, il faut penser la taille des groupes en fonction de l’espace disponible ou de l’affluence du public à l’exposition.  Le guide peut aussi faire attention à faire les pauses aux bons endroits.

De bonnes indications

Les personnes sourdes/malentendantes doivent pouvoir trouver l’information sur ce qui est adapté pour elles et se déplacer dans le musée en toute autonomie. N’hésitez pas à utiliser des pictogrammes à l’accueil du musée pour rediriger le public au bon endroit. Il est déjà arrivé qu’un musée mette en place de superbes visioguides multilingues en langues signées et en sous-titres, mais nulle part à l’accueil ce n’était indiqué et le personnel d’accueil n’était pas au courant… C’était bien dommage !

SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES
Les aides sonores

Quel système choisir entre la boucle à induction magnétique et le système FM  ?

La boucle à induction magnétique peut être utilisée par toute personne équipée de prothèses avec position T ou bobine téléphonique intégrée, à la différence du système FM qui nécessite un capteur spécifique, mais son inconvénient majeur qu’est la diaphonie la rend peu appropriée aux salles d’expositions des musées.

Elle est néanmoins très répandue car économique et facile à mettre en œuvre pour les locaux relativement vastes comme les locaux d’accueil, salles de conférence, de spectacle, de cinéma,… où nous la conseillons. Elle n’est donc envisageable, dans le cas du musée, qu’à des lieux précis (salles de film, de conférences, guichets d’accueil).

Le système FM est plus approprié aux salles d’expositions des musées : c’est le système qui est le mieux adapté à la mobilité à la fois de la source sonore et du public. Il n’y a pas de risques de diaphonie ni de contraintes optiques et la réception de la fréquence peut se faire dans les écouteurs d’un casque pour les personnes non appareillées, soit via des plaquettes ou un collier d’induction pour prothèses.

Bien que cela puisse être offert par le musée, la personne sourde/malentendante peut aussi venir munie de son propre système FM. Elle demande alors au guide de garder l’émetteur sur lui, le micro se situant à auteur de la poitrine.

C’est aussi un système qui est bien indiqué dans le cadre des visites d’expositions ou de lieux touristiques en plein air.

Les supports écrits

Les textes d’une exposition peuvent être présentés soit, sur des panneaux, soit dans des livrets ou brochures, soit dans un appareil numérique comme une tablette.

Dans le grand-public au musée, il y a de tout : des visiteurs qui aiment tout lire, et d’autres qui se contentent de piocher quelques informations par ci, par là. Tous préfèrent les textes courts et bien écrits, de façon claire et simple. Les personnes sourdes/malentendantes n’échappent pas à ce fonctionnement. Il faut quand même savoir que beaucoup de personnes sourdes, parfois malentendantes aussi, ont des difficultés à bien maîtriser le français (pour différentes raisons). Si l’accessibilité n’est possible qu’au moyen de textes, elle va rester destinée à ceux qui aiment et savent lire. Cela peut être un choix élitiste, que nous ne recommandons pas, mais nous sommes conscients que pour les institutions muséales qui fonctionnent sur base de budgets très limités, c’est peut-être le meilleur aménagement permanent qui peut être fait.

Si on a un parcours qui est déjà construit et qu’on n’a pas la possibilité de mettre en place des visioguides en langue des signes, mettre simplement par écrit le contenu des audioguides distribués ou des visites guidées à la disposition du public sourd/malentendant est une initiative qui devrait être systématique, surtout lorsque ceux-ci sont différents ou plus complets que ce qui est indiqué sur les panneaux et les cartels. Cette initiative, si elle est bien indiquée à l’endroit où on distribue les audioguides, peut aussi profiter à certains visiteurs qui n’apprécient pas l’audioguidage et qui souhaitent malgré tout avoir une visite complète en toute autonomie.

Dans tous les cas, il faut faire un bel effort de rédaction et de simplification des textes. Pour le tout public, le langage académique est à proscrire.

Les documents audiovisuels

Les documents audiovisuels présentés au musée reprennent les bornes interactives, les films et les médias sur Internet. Tout le monde peut profiter d’un sous-titrage systématique. Il peut être notamment intéressant pour le tout public si on met plusieurs médias côte à côte, pour garder une ambiance calme et éviter tous les parasitages sonores. C’est possible au moyen de casques ou d’autres technologies mais cela contraint parfois les visiteurs à attendre leur tour.

On peut aussi avoir la possibilité d’offrir des médias traduits en langue(s) signée(s), que ce soit sur les bornes, les films ou Internet.

Les visioguides

Les visioguides sont le must en matière d’adaptation des musées. Ils peuvent être fabriqués pour les visiteurs sourds et malentendants uniquement ou faire partie des systèmes de guidage proposés par le musée pour le tout-public. Ils sont alors couplés d’un casque.

Le détail de la conception d’un visioguide en langue des signes, avec sous-titrage, est détaillé ici.

Nous les conseillons beaucoup pour les expositions permanentes. Les visioguides présentent l’avantage de pouvoir accueillir n’importe quel visiteur sourd/malentendant, n’importe quand, que celui-ci vienne ou non avec sa famille sourde ou entendante. Lorsque les visioguides sont aussi pensés en signes internationaux, voire des langues signées des pays voisins, et sous-titrés dans ces langues ou en anglais, ils peuvent aussi accueillir des touristes sourds/malentendants étrangers qui arrivent souvent à l’improviste

SOLUTIONS HUMAINES
Les guides

Vous êtes entendant, ne connaissez pas très bien les personnes sourdes et malentendantes et ne savez pas trop comment adapter votre visite ?

Au mieux, pour transmettre la culture générale à un public de personnes sourdes signantes, il faut connaître leur culture aussi. C’est le meilleur moyen d’éviter des erreurs d’adaptation courantes. Vous pouvez être aidés dans cette démarche.

Lorsque la visite n’est pas préparée à l’avance, que ce soit par le guide-conférencier ou par l’interprète, le résultat devient très vite médiocre. Lorsqu’on ne connaît pas le public sourd, et que l’on pense qu’il suffit de simplement conduire une visite ordinaire, pour n’importe quel public entendant adulte, et de laisser l’interprète faire son travail, on est vite surpris et on découvre que ce qui les intéresse n’est pas vraiment ce à quoi on s’attendait.

Voici quelques conseils :

  • Renseignez-vous sur les personnes sourdes/malentendantes. Vous êtes déjà au bon endroit !
  • Préparez bien votre visite avec l’interprète. Elle a besoin de savoir de quoi vous allez parler, et idéalement, du texte de votre exposé. Il se peut que vous utilisiez du vocabulaire qui est difficilement interprétable en LSFB ou qui nécessite des explications préalables ou complémentaires. En préparant bien votre visite, elle pourra vous les indiquer. L’absence de préparation de la visite peut aussi influencer sa longueur si les personnes sourdes/malentendantes doivent sans arrêt poser des questions pour comprendre les concepts transmis par le guide-conférencier. Si c’est imprévu et laborieux, cette situation joue beaucoup en la défaveur d’une visite de qualité.
  • Prévoyez du temps ! Dans la majorité des cas, même dans le cas d’une visite correctement préparée, les guides-conférenciers entendants qui n’ont pas l’habitude de guider un public sourd/malentendant, et même parfois des personnes sourdes qui ont cette habitude, le temps nécessaire à une visite est plus que surprenant. Là où il faut une heure à une heure et demi pour un public entendant lambda, il faut presque trois heures pour un public sourd/malentendant, souvent très visiblement intéressé !
  • Pour motiver votre public, utilisez les supports visuels et tactiles que vous avez à votre disposition : peintures, objets à manipuler, plaques en relief à toucher, mises en simulation, jeux, cartes géographiques ou historiques, sculptures,… tout cela va rompre la monotonie d’un discours continu et ancrer visuellement votre visite.
  • Lorsque vous faites référence à des lieux, des noms propres, ou des connaissances de culture générale, n’oubliez pas de les ancrer visuellement dans votre exposition (montrer un portrait, faire référence au portrait, montrer une carte géographique et y revenir de temps en temps,…). N’hésitez pas à vous munir d’une documentation visuelle complémentaire pour la visite (pensez à un portfolio !). Vous pouvez aussi y écrire les mots de vocabulaire clefs de votre visite et les montrer au fur et à mesure des besoins.
  • Les personnes sourdes/malentendantes, remarquent beaucoup de détails et posent des questions sur des détails pour lesquels le grand public a peu d’intérêt. Elles posent beaucoup de questions sur ce qu’elles voient. Elles saisissent des paradoxes que d’autres ne remarquent pas.
  • Les personnes sourdes/malentendantes aiment beaucoup que l’on fasse des liens entre leur culture sourde et la culture « grand public », « entendante »,… Par exemple, Beethoven était sourd, tout le monde le sait, cela se dit souvent, mais il y a des artistes très connus qui l’étaient également, le sont devenus au cours de leur vie, ou bien qui sont moins connus mais peuvent intéresser les personnes sourdes/malentendantes. Par exemple, au Musée Juif de Malines, une guide raconte qu’un jour, deux femmes sourdes sont venues au musée raconter leur histoire, et raconter comment, en tant que femmes sourdes, elles avaient vécu la guerre 40-45. La guide a expliqué cette histoire au public, qui la appréciée. Le fait qu’elle l’ait fait a suscité la sympathie du public. Faire ces liens renforce le sentiment d’appartenance du public sourd/malentendant à l’histoire du monde.
Les guides sourds

La tendance actuelle en Belgique est de faire appel à des conférenciers sourds/malentendants extérieurs. Ce qui est très bien, surtout si l’on fait appel à gens d’expérience. Mais on peut aller plus loin : dans bien des cas, il peut être plus rationnel et plus efficace de les intégrer au sein des équipes de conception des projets culturels.

Pourquoi ?

  • Cela leur permet de mieux connaître les réalités du travail et de proposer ainsi des solutions réalistes.
  • C’est un excellent moyen de sensibilisation des équipes.
  • Lorsqu’il s’agit d’utiliser la langue des signes, il est généralement admis, du moins en Belgique, que ce sont les sourds/malentendants signants qui présentent sa plus grande qualité d’élocution, surtout si la LSFB est une première ou une seconde langue de longue date. Heureusement, on trouve aujourd’hui, de plus en plus de personnes entendantes capables d’acquérir un haut niveau de maîtrise de la LSFB bien que cet apprentissage soit moins naturel.
  • Ce sont ces personnes sourdes/malentendantes ou très bonnes signantes et fréquentant activement la communauté sourde qui peuvent le mieux comprendre leurs interlocuteurs car elles maîtrisent mieux leurs références culturelles. Elles s’identifient à la même culture que leur public et par ailleurs, peuvent mieux comprendre et intégrer les critères de qualité exigés par celui-ci.
  • Les visites guidées directement faites en langue des signes permettent aussi de vérifier plus facilement les acquis du public, de favoriser les interactions et les échanges entre un public parfois culturellement hétérogène sans devoir passer par un intermédiaire. Les échanges spontanés vont permettre de développer une dynamique de visite plus grande que par la présence d’un interprète.
  • Cela permet d’accueillir des personnes sourdes étrangères. La propriété visuo-gestuelle de la langue des signes permet d’aller au-delà des barrières qu’imposent les langues parlées et écrites. Les personnes sourdes/malentendantes cultivées, bonnes signeuses et actives au sein de la communauté sourde maîtrisent souvent aussi les signes internationaux.
  • Pour certains mots ou concepts transmis lors d’une visite guidée, il n’existe pas d’équivalents stricts en langue des signes. Il faut, pour les transmettre aisément, être capable de les représenter avec les mains. Parfois, néanmoins, il faut « créer du vocabulaire », ou autrement dit, des néologismes. Les personnes qui maîtrisent très bien la LSFB sont capables de le faire. Pensez que pour créer un nouveau mot français qui ait du sens, il faut parfois connaître le latin ou le grec !

Avec quel profil ?

Tout dépend de la polyvalence recherchée. Vous avez le choix :

  • Une personne réellement diplômée pour travailler dans le secteur et/ou qui a un diplôme pédagogique.
  • Une personne bilingue français-LSFB ou même polyglotte/polysignes.
  • Une personne capable d’apprendre vite.
Les interprètes

Prenez connaissance du rôle endossé par les interprètes ici. Vous y apprendrez aussi comment faire appel à eux.

Dans le cadre d’une visite guidée, nous insistons sur l’importance de bien préparer les visites avec eux et de leur fournir un maximum d’informations sur les contenus et les concepts qu’il faudra interpréter afin qu’ils puissent préparer au mieux leur prestation.

Attention, interpréter une visite guidée n’est pas une mince affaire et il vaut mieux éviter de faire appel à des amateurs, surtout que beaucoup d’échanges doivent avoir lieu avec le public et que la personne qui interprète doit être capable de rendre ces échanges les plus justes et fluides que possible.

Le coût de l’interprétation lors d’une visite guidée en groupe doit être pris en charge par le musée. Si la visite guidée se fait pour une personne individuelle, on peut demander à la personne sourde de prendre en charge ce coût par le biais du forfait dont elle dispose. Il est toujours plus accueillant pour une personne sourde/malentendante que l’institution offre l’accessibilité et que ce ne soit pas à elle de l’imposer.

Si on n’a pas la possibilité de faire appel à un guide sourd ou d’engager des guides qui connaissent la LSFB, offrir des visites guidées interprétées en LSFB sur les expositions permanentes et temporaires quelques fois par an, est déjà une très bonne initiative. Il est possible de le budgéter annuellement, comme le reste des aménagements.

Le reste du personnel

Tous les intervenants d’un musée ou d’un site touristique (agents d’accueil, gardiens, chargés de communication, personnel du service éducatif, guides-conférenciers) ont aussi intérêt à être sensibilisés à la surdité.

Cette formation de base peut se mettre en place via des structures de formation spécialement dédiées aux musées ou des asbl spécialisées. Consultez la section “références” ci-dessous.

Références
  • Ce mémoire, réalisé en 2009, explique bien en profondeur pourquoi une bonne médiation culturelle pour le public sourd/malentendante ne peut pas s’envisager sur le long terme sans connaître ce public. Il approfondit aussi toute la question avec de nombreux exemples et études comparatives de visites guidées.
  • Vous pouvez faire appel à des interprètes des services d’Interprétation de Wallonie et de Bruxelles (SISW et SISB).
  • Vous pouvez aussi vous faire conseiller par une association qui a l’habitude de mettre en place des visites guidées pour le public sourd/malentendant comme Arts et Culture
  • Arts et Culture peut aussi trouver, pour vous, des guides sourds/malentendants diplômés.
  • Par Musées et Société en Wallonie, on peut bénéficier d’une sensibilisation à la surdité spécialement adaptée au secteur muséal.
  • Vous pouvez aussi contacter l’asbl Passe-Muraille, qui a l’habitude de ce type de sensibilisation ciblée sur les musées et qui peut l’organiser directement pour toute votre structure.